LOI relative a Sexploitation numerique des livres indisponibles du xxe siecle (2012)

L’Assemblee nationale et le Senat ont adopte,

Le President de la Republique promulgue la loi dont la teneur suit :

Article 1

Le titre III du livre ler de la premiere partie du code de la propriete intellectuelle est complete par un chapitre IV ainsi redige :

« Chapitre IV

« Dispositions particulieres relatives a l’exploitation numerique des livres indisponibles

« Art. 134-1. – On entend par livre indisponible au sens du present chapitre un livre publie en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un editeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimee ou numerique.

« Art. 134-2. – Il est cree une base de donnees publique, mise a disposition en acces libre et gratuit par un service de communication au public en ligne, qui repertorie les livres indisponibles. La Bibliotheque nationale de France veille a sa mise en reuvre, a son actualisation et a l’inscription des mentions prevues aux articles L. 134-4, L. 134-5 et L. 134-6.

« Toute personne peut demander a la Bibliotheque nationale de France l’inscription d’un livre indisponible dans la base de donnees.

« L’inscription d’un livre dans la base de donnees ne prejuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. 134-3. – I. — Lorsqu’un livre est inscrit dans la base de donnees mentionnee a l’article L. 134-2 depuis plus de six mois, le droit d’autoriser sa reproduction et sa representation sous une forme numerique est exerce par une societe de perception et de repartition des droits regie par le titre II du livre III de la presente partie, agreee a cet effet par le ministre charge de la culture.

« Sauf dans le cas prevu au troisieme alinea de I’article L. 134-5, la reproduction et la representation du livre sous une forme numerique sont autorisees, moyennant une remuneration, a titre non exclusif et pour une duree limitee a cinq ans, renouvelable.

« II. — Les societes agreees ont qualite pour ester en justice pour la defense des droits dont elles ont la charge.

« III. — L’agrement prevu au I est delivre en consideration : « 1° De la diversite des associes de la societe ;

« 2° De la representation paritaire des auteurs et des editeurs parmi les associes et au sein des organes dirigeants ;

« 3° De la qualification professionnelle des dirigeants de la societe ;

« 4° Des moyens que la societe propose de mettre en reuvre pour assurer la perception des droits et leur repartition ;

« 5° Du caractere equitable des regles de repartition des sommes pergues entre les ayants droit, qu’ils soient ou non parties au contrat d’edition. Le montant des sommes pergues par le ou les auteurs du livre ne peut etre inferieur au montant des sommes pergues par l’editeur ;

« 6° Des moyens probants que la societe propose de mettre en reuvre afin d’identifier et de retrouver les titulaires de droits aux fins de repartir les sommes pergues ;

« 7° Des moyens que la societe propose de mettre en reuvre pour developper des relations contractuelles permettant d’assurer la plus grande disponibilite possible des reuvres ;

« 8° Des moyens que la societe propose de mettre en reuvre pour veiller a la defense des interets legitimes des ayants droit non parties au contrat d’edition.

« IV. — Les societes agreees remettent chaque annee a la commission permanente de controle des societes de perception et de repartition des droits mentionnee a l’article L. 321-13 un rapport rendant compte des moyens mis en reuvre et des resultats obtenus dans la recherche des titulaires de droits, qu’ils soient ou non parties au contrat d’edition.

« La commission peut formuler toute observation ou recommandation d’amelioration des moyens mis en reuvre afin d’identifier et de retrouver les titulaires de droits.

« La commission est tenue informee, dans le delai qu’elle fixe, des suites donnees a ses observations et recommandations.

« Art. 134-4. – I. —

« La commission rend compte annuellement au Parlement, au Gouvernement et a l’assemblee generale des societes agreees, selon des modalites qu’elle determine, des observations et recommandations qu’elle a formulees et des suites qui leur ont ete donnees.

L’auteur d’un livre indisponible ou l’editeur disposant du droit de

reproduction sous une forme imprimee de ce livre peut s’opposer a l’exercice du droit d’autorisation mentionne au premier alinea du I de l’article L. 134-3 par une societe de perception et de repartition des droits agreee. Cette opposition est notifiee par ecrit a l’organisme mentionne au premier alinea de l’article L. 134-2 au plus tard six mois apres l’inscription du livre concerne dans la base de donnees mentionnee au meme alinea.

« Mention de cette opposition est faite dans la base de donnees mentionnee au meme article L. 134-2.

« Apres l’expiration du delai mentionne au premier alinea du present I, l’auteur d’un livre indisponible peut s’opposer a l’exercice du droit de reproduction ou de representation de ce livre s’il juge que la reproduction ou la representation de ce livre est susceptible de nuire a son honneur ou a sa reputation. Ce droit est exerce sans indemnisation.

« II. — L’editeur ayant notifie son opposition dans les conditions prevues au premier alinea du I du present article est tenu d’exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerne. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l’exploitation effective du livre a la societe agreee en application de l’article L. 134-3. A defaut d’exploitation du livre dans le delai imparti, la mention de l’opposition est supprimee dans la base de donnees mentionnee a l’article L. 134-2 et le droit d’autoriser sa reproduction et sa representation sous une forme numerique est exerce dans les conditions prevues au second alinea du I de l’article L. 134-3.

« La preuve de l’exploitation effective du livre, apportee par l’editeur dans les conditions prevues au premier alinea du present II, ne prejuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. 134-5. – A defaut d’opposition notifiee par l’auteur ou l’editeur a l’expiration du delai prevu au I de l’article L. 134-4, la societe de perception et de repartition des droits propose une autorisation de reproduction et de representation sous une forme numerique d’un livre indisponible a l’editeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimee.

« Cette proposition est formulee par ecrit. Elle est reputee avoir ete refusee si l’editeur n’a pas notifie sa decision par ecrit dans un delai de deux mois a la societe de perception et de repartition des droits.

« L’autorisation d’exploitation mentionnee au premier alinea est delivree par la societe de perception et de repartition des droits a titre exclusif pour une duree de dix ans tacitement renouvelable, sauf dans le cas mentionne a l’article L. 134-8.

« Mention de l’acceptation de l’editeur est faite dans la base de donnees mentionnee a l’article L. 134-2.

« A defaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve que cet editeur ne dispose pas du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimee, l’editeur ayant notifie sa decision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerne. Il doit apporter a cette societe, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.

« A defaut d’acceptation de la proposition mentionnee au premier alinea ou d’exploitation de l’reuvre dans le delai prevu au cinquieme alinea du present article, la reproduction et la

representation du livre sous une forme numerique sont autorisees par la societe de perception et de repartition des droits dans les conditions prevues au second alinea du I de l’article L. 134-3.

« L’utilisateur auquel une societe de perception et de repartition des droits a accorde une autorisation d’exploitation dans les conditions prevues au meme second alinea est considere comme editeur de livre numerique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numerique.

« L’exploitation de l’reuvre dans les conditions prevues au present article ne prejuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-6. – L’auteur et l’editeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimee d’un livre indisponible notifient conjointement a tout moment a la societe de perception et de repartition des droits mentionnee a l’article L. 134-3 leur decision de lui retirer le droit d’autoriser la reproduction et la representation dudit livre sous forme numerique.

« L’auteur d’un livre indisponible peut decider a tout moment de retirer a la societe de perception et de repartition des droits mentionnee au meme article L. 134-3 le droit d’autoriser la reproduction et la representation du livre sous une forme numerique s’il apporte la preuve qu’il est le seul titulaire des droits definis audit article L. 134-3. Il lui notifie cette decision.

« Mention des notifications prevues aux deux premiers alineas du present article est faite dans la base de donnees mentionnee a l’article L. 134-2.

« L’editeur ayant notifie sa decision dans les conditions prevues au premier alinea est tenu d’exploiter le livre concerne dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter a la societe de perception et de repartition des droits, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.

« La societe informe tous les utilisateurs auxquels elle a accorde une autorisation d’exploitation du livre concerne des decisions mentionnees aux deux premiers alineas du present article. Les ayants droit ne peuvent s’opposer a la poursuite de l’exploitation dudit livre engagee avant la notification pendant la duree restant a courir de l’autorisation mentionnee au second alinea du I de l’article L. 134-3 ou au troisieme alinea de l’article L. 134-5, a concurrence de cinq ans maximum et a titre non exclusif.

« Art. 134-7. – Les modalites d’application du present chapitre, notamment les modalites d’acces a la base de donnees prevue a l’article L. 134-2, la nature ainsi que le format des donnees collectees et les mesures de publicite les plus appropriees pour garantir la meilleure information possible des ayants droit, les conditions de delivrance et de retrait de l’agrement des societes de perception et de repartition des droits prevu a l’article L. 134-3, sont precisees par decret en Conseil d’Etat.

« Art. L. 134-8. – Sauf refus motive, la societe de perception et de repartition des droits mentionnee a l’article L. 134-3 autorise gratuitement les bibliotheques accessibles au public a reproduire et a diffuser sous forme numerique a leurs abonnes les livres indisponibles conserves dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimee n’a pu etre trouve dans un delai de dix ans a compter de la premiere autorisation d’exploitation.

« L’autorisation mentionnee au premier alinea est delivree sous reserve que l’institution beneficiaire ne recherche aucun avantage economique ou commercial.

« Un titulaire du droit de reproduction du livre sous une forme imprimee obtient a tout moment de la societe de perception et de repartition des droits le retrait immediat de l’autorisation gratuite.

« Art. L. 134-9. – Par derogation aux dispositions des trois premiers alineas de l’article L. 321-9, les societes agreees mentionnees a l’article L. 134-3 utilisent a des actions d’aide a la creation, a des actions de formation des auteurs de l’ecrit et a des actions de promotion de la lecture publique mises en reuvre par les bibliotheques les sommes pergues au titre de l’exploitation des livres indisponibles et qui n’ont pu etre reparties parce que leurs destinataires n’ont pu etre identifies ou retrouves avant l’expiration du delai prevu au dernier alinea de l’article L. 321-1.

« Le montant et l’utilisation de ces sommes font l’objet, chaque annee, d’un rapport des societes de perception et de repartition des droits au ministre charge de la culture. »

Article 2

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la premiere partie du meme code est complete par un article L. 113-10 ainsi redige :

« Art. L. 113-10. – L’reuvre orpheline est une reuvre protegee et divulguee, dont le titulaire des droits ne peut pas etre identifie ou retrouve, malgre des recherches diligentes, averees et serieuses.

« Lorsqu’une reuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a ete identifie et retrouve, elle n’est pas consideree comme orpheline. »

Article 3

Les organismes representatifs des auteurs, des editeurs, des libraires et des imprimeurs engagent une concertation sur les questions economiques et juridiques relatives a l’impression des livres a la demande.

Article 4

L’article 1er entre en vigueur a compter de la publication du decret pris pour l’application du chapitre IV du titre III du livre Ier de la premiere partie du code de la propriete intellectuelle et au plus tard six mois apres la promulgation de la presente loi.

La presente loi sera executee comme loi de l’Etat.

Fait a Paris, le 1er mars 2012.

Nicolas Sarkozy

Par le President de la Republique

Le Premier ministre, Frangois Fillon Le ministre de la culture et de la communication, Frederic Mitterrand

(1) Travaux preparatoires : loi n° 2012-287. Senat: Proposition de loi n° 54 rectificative (2011-2012); Rapport de Mme Bariza Khiari, au nom de la commission de la culture, n° 151 (2011-2012); Discussion et adoption, apres engagement de la procedure acceleree, le 9 decembre 2011 (TA n° 23, 2011-2012). Assemblee nationale : Proposition de loi, adoptee par le Senat, n° 4065; Rapport de M. Herve Gaymard, au nom de la commission des affaires culturelles, n° 4189; Discussion et adoption le 19 janvier 2012 (TA n° 825). Senat: Proposition de loi, modifiee par l’Assemblee nationale, n° 277 (2011-2012); Rapport de Mme Bariza Khiari, au nom de la commission mixte paritaire, n° 326 (2011-2012); Texte de la commission n° 327 (2011-2012); Discussion et adoption le 13 fevrier 2012 (TA n° 69, 2011-2012). Assemblee nationale : Rapport de M. Herve Gaymard, au nom de la commission mixte paritaire, n° 4297; Discussion et adoption le 22 fevrier 2012 (TA n° 865).